Intervenant : Patrick Pharo, sociologue, spécialiste de sociologie de la morale, auteur notamment de : La belle vie dorée sur tranche (Erin, 2017) ; La dépendance amoureuse. Attachement, passion, addiction (Puf, 2015) ; Morale et sociologie. Le sens et les valeurs entre nature et culture (Folio essais, 2004).
Présentation : Sophie Djigo, professeure agrégée de philosophie au lycée Baudelaire de Roubaix, docteure en philosophie.
Comme des sujets accros aux drogues, les sociétés pourraient-elles devenir elles-mêmes "addictes " ? C'est-à-dire pathologiquement dépendantes de la recherche compulsive de certains biens, en dépit de ses conséquences nocives pour l'ensemble de la collectivité ? Si l'on en croit une critique qui traverse les productions culturelles, et en particulier le cinéma, c'est bien ce qui arrive aux démocraties libérales contemporaines : optimisation extrême des activités, course à l'argent et au succès, surconsommation marchande, usage compulsif des technologies, épuisement des ressources naturelles, corruption de la démocratie... Loin de contredire le processus de rationalisation propre au capitalisme moderne, cette dérive addictive en serait plutôt la conséquence paradoxale. Si les cibles de l'émancipation portent toujours sur les libertés et égalités de base, elles s'étendent désormais aux moyens de protéger le désir intime des intrusions marchandes, technologiques ou sécuritaires, qui enserrent les habitants dans un réseau de plus en plus dense de dépendances indésirables.
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