Présentation : Marianne MASSIN, maître de conférences en philosophie de l'art et esthétique à l'université Lille 3, membre du laboratoire Savoirs, textes, langage (STL, UMR 8163 ; CNRS - Lille 3 - Lille 1).
Pierre-Marc DE BIASI - Directeur de recherche en littérature au CNRS
L'(in)achèvement du texte : fiction critique et processus génétiques
« FINI! mon vieux! - Oui, mon bouquin est fini! (...) Je suis à ma table depuis hier, 8 heures du matin. - La tête me pète. N'importe ! J'ai un fier poids de moins sur l'estomac. »
Quand Flaubert écrit ce petit billet à son ami Jules Duplan, le 16 mai 1869, à « 5 heures moins quatre du matin » après 21 heures de travail ininterrompu, il semble bien convaincu que L'Éducation sentimentale, en chantier depuis près de cinq ans, et qui aura exigé 9000 pages de brouillons et documents, est enfin « achevée »... Mais parler d'« achèvement » n'est qu'une façon de désigner la fin toute provisoire d'une phase (ici la phase « rédactionnelle ») dans les métamorphoses peut-être inachevables de l'écriture. Entre l'état du manuscrit définitif « achevé » ce 16 mai 1869 et le texte publié à la fin de la même année, des milliers de transformations (autographes et allographes) auront encore lieu. Et de l'édition de 1869 à celle de 1880, des milliers d'autres modifications, parfois majeures, viendront à nouveau transformer le texte de l'oeuvre. Sans parler, bien entendu, de toutes celles qui ne manqueront pas de s'y ajouter après la mort de l'écrivain... Rapporté à ce que montrent les manuscrits et les états variants du texte, « l'achèvement » n'est qu'une fiction aussi nécessaire et insuffisante que son contraire, l'inachèvement. Le texte n'existe pas, l'achèvement non plus, si ce n'est comme concepts heuristiques et régulateurs d'une certaine vision historique de l'écrit.
Pierre-Marc De Biasi est écrivain et directeur de recherche au CNRS. Il dirige l'institut des textes et manuscrits modernes (ITEM, UMR 8132 ; CNRS - ENS). Spécialiste de génétique littéraire, on lui doit de nombreux textes théoriques sur l'analyse des manuscrits modernes et la genèse de l'oeuvre, l'histoire de l'écriture et les nouvelles technologies, ainsi que plusieurs essais, éditions ou études des textes et manuscrits de Flaubert : Carnets de travail, Balland, 1988 (prix de la critique de l'Académie française), L'Éducation sentimentale, Seuil, 1993, Madame Bovary, Imprimerie Nationale, 1994.
Dominique VIART - Professeur de littérature française à l'université Lille 3
L'inscription de la décision dans l'oeuvre. De Francis Ponge à Pierre Michon
Depuis Francis Ponge, l'hésitation - et donc la décision - de l'écrivain devant sa page ne se dissimule plus : elle s'affiche, devient partie intégrante de l'oeuvre, qui l'énonce et parfois en joue. Bien des textes contemporains formulent ainsi explicitement leurs enjeux, les décisions formelles et les choix esthétiques qu'ils opèrent. C'est ce geste que l'on se propose de mettre en évidence et d'interpréter à travers les livres de quelques écrivains majeurs de notre temps : Annie Ernaux, Pierre Michon, Patrick Deville, François Bon...
Dominique Viart est professeur de littérature française moderne et contemporaine à l'université Lille 3 (ALITHILA, EA 1061). Il est membre de l'Institut universitaire de France. Il a notamment publié Une Mémoire inquiète, PUF, 1997, Presses Universitaires du Septentrion, 2010 ; François Bon, étude de l'oeuvre, Bordas, 2008 ; avec Bruno Vercier, La Littérature française au présent : héritage et mutations de la modernité, Bordas, 2005, réédition augmentée, 2008.
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