La MESHS a invité le photographe Marc Heller, connu pour ses photographies des Salins-de-Giraud, de la baie d'Osaka ou des labours de la plaine de la Durance, à parcourir la région Nord-Pas-de-Calais. Il propose son regard de photographe aérien et sa méthode si particulière. Une exposition est née.
En parallèle, la Maison européenne des sciences de l'homme et de la société (MESHS) propose, d'octobre à décembre 2011, un cycle de rencontres et conférences intitulé Paysage et photographie. Le laboratoire de recherche LACTH (« Laboratoire conception territoire histoire », attaché l'École nationale supérieure d'architecture et de paysage de Lille) s'y est associé.
Marc Heller a cette spécificité de fréquenter la photographie selon deux modes, qui dans sa vie se sont côtoyés. Marc Heller a été photographe pour le Service régional de l’Inventaire, il a participé aux campagnes patrimoniales de documentation des bâtiments, des paysages et des outils ; il a en parallèle développé une photographie artistique, appuyée sur une expérience peu partageable : celle du survol aérien. C'est en travaillant à identifier des sites pour des archéologues que la pratique de la photographie aérienne s'est imposée à lui. Héritée du simple point de vue documentaire, l'expérience de la vue aérienne l'a amené à en considérer la force artistique. Dans un paysage vu de haut, tout devient signe. Un tracteur dans le coin d'un champ, des traces de roues, des montagnes de sel que la distance rend semblables a de petits tumulus. La vie et le sens des objets se réorganisent.
Si l'on admet qu'un paysage demande la position d'un sujet regardant, les deux pieds sur terre, une ligne d'horizon face à lui (en somme, les conditions d'une expérience partageable), la photographie aérienne pose la question de la « sortie du paysage ». Que voit-on d'avion si ce n'est du paysage terrestre. Que voit-on d'une navette spatiale si ce n'est un paysage terrestre ? Que voit-on de GoogleEarth, si ce n'est un paysage terrestre ?
Cet ancrage sur terre tiendra-t-il encore longtemps comme référence unique du point de vue partageable ? Il est possible que le survol soit à la photographie ce que les voyages en Orient furent à la littérature. Un horizon d'inconnu. Le photographe se transforme en témoin, il rapporte des vues inédites. Il montre le non visible au commun, le non accessible (provisoirement). Et pour autant, montre-t-il autre chose que du paysage ?
Marc Heller ne cache pas ses influences. Ce qui lui importe est la force abstraite et lyrique des paysages saisis de haut. On croira y reconnaître du De Stael, du Vieira da Silva, du Paul Klee parfois. Plutôt que d'abstraction, concernant les photographies de Marc Heller, il faudrait parler de décontextualisation lyrique. La photo est bien réelle, voire réaliste. Elle saisit une parcelle de ce qui est réellement et matériellement. Le cadrage opère la décontextualisation et transforme en signe questionnant ce qui à une autre échelle est un objet pratique ou naturel.
Si l'altitude déforme ou modifie le régime des signes, elle bouleverse aussi l'ordre des gravités et des nuisances. Ce qui « vu d'en bas » est menaçant, dangereux, laid, massif et désespérant, peut devenir un objet fascinant de beauté comme l'est une usine pétrochimique vue d'avion, comme l'est une décharge où les voitures abandonnées deviennent des points de couleur à la distribution hasardeuse, comme l'est une nappe d'hydrocarbure sur l'eau semblable à aquarelle surprenante.
Le survol — la suspension — suspend aussi la gravité (au double sens du terme). Le paysage aérien indique une réalité pour laquelle la vie est plus légère. Cette fiction d'idylle est une construction paysagère de Marc Heller.
Marc Heller est certes photographe, mais il est aussi pilote et construit son art depuis sa pratique.
Une vision de la richesse du Nord-Pas-de-Calais
Tout en apportant des éléments de question (plutôt que de réponse) au « paysage photographique », nous avons souhaité, d'un commun accord avec le photographe, œuvrer pour la région Nord-Pas-de-Calais. La diversité des paysages que nous y connaissons, qu'ils soient industriels, côtiers, miniers ou agricoles, valait bien, nous semblait-il, le soleil du Sud et l'attrait graphique de ses marais salants. Certes, le Nord est connu pour ses terrils et son paysage industriel, mais quoi de commun entre les terrils de Lens et la bocage de Maubeuge qui, à bien des égards, semble ne pas avoir connu le remembrement. Quoi de commun encore entre la côte calaisienne, la baie d'Authie et les marais de Saint-Omer ? Seul le regard aérien et la vitesse de déplacement d'un avion ont permis d'embrasser une région en entier et d'en offrir des vues si différentes et précises.
L'exposition met en regard les travaux de Marc Heller dans le Sud et l'application de sa méthode et sa pratique dans le Nord. L'exposition a pour titre : Nord-Sud, vues aériennes.
Photographies : © Marc Heller
Vues aériennes - Nord
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Vues aériennes -Sud
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