Les enjeux des archives du Web |
Modération: Jérôme FONCEL (Professeur de sciences économiques, Université de Lille)
Archivage du Web, un enjeu de gouvernance (d'Internet)
par Francesca MUSIANI (Chargée de recherche au CNRS, Directrice adjointe du Centre Internet et Société (CIS-CNRS))
En 1980, le philosophe et sociologue Langdon Winner se demandait dans un article qui a fait école : « Est-ce que les artefacts sont politiques ? » Si l’on souhaite appliquer cette hypothèse aux archives du Web, il s’agit de comprendre en quoi, dans l’archivage du Web, existent des formes spécifiques d’autorité et de pouvoir (DENARDIS 2014)1 qui dessinent un microcosme de la gouvernance d’Internet. Les points suivants seront abordés :
– L’archivage du Web repose sur un modèle multi-parties prenantes. Une variété d’acteurs est concernée : des fondations comme Internet Archive ; des organisations transnationales, à commencer par l’IIPC ; la société civile ; et enfin le secteur privé.
– L’archivage du Web n’échappe pas à des tensions ayant trait à la standardisation et à des visions et imaginaires divergents, des communs aux formats propriétaires.
– L’archivage du Web révèle également la présence de tensions géopolitiques, et on y retrouve des dynamiques qui rappellent le problème de la fracture numérique.
– Enfin, on retrouve dans l’archivage du Web la relation complexe entre différentes pratiques et sources d’autorité ou de normativité, de la technologie au marché, de la concertation transnationale et internationale aux standards et aux droits.
Cette intervention se fonde sur un travail mené en collaboration avec Valérie Schafer, Camille Paloque-Berges et Benjamin Thierry.
1 – DENARDIS Laura. The Global War for Internet Governance. Yale University Press, 2014.
L'apport de la diplomatique à la qualification des traces numériques
par Marie-Anne CHABIN (Professeur associé à l'Université Paris 8)
La diplomatique est une discipline élaborée pour déterminer méthodiquement, scientifiquement, si un acte est authentique ou si c'est un faux. La méthode propose une sorte de quadrillage du document avec un vocabulaire dédié à la description des différentes zones et valeurs d'information, ainsi qu'une démarche de critique de l'écrit comparé à d'autres écrits comparables. Autrement dit, au-delà de la critique du contenu, c'est-à-dire du message exprimé par l'auteur, la diplomatique s'intéresse à la forme, c'est-à-dire à tout ce que l'on peut apprendre par l'examen de l'agencement des données et des références de production ou de transmission, plus encore qu'en analysant l'apparence de l'écrit et la structure des données.
Si la diplomatique est pertinente pour identifier les faux millénaires, pourquoi ne le serait-elle pas pour établir le degré de véracité des écrits d'aujourd'hui mais aussi pour détecter les faux administratifs (en recrudescence) voire les fake news ? La diplomatique numérique consiste alors à transposer la démarche traditionnelle aux traces numériques des actes et gestes qui peuvent engager la responsabilité des individus dans leurs relations administratives, contractuelles, sociales ou privées. Cette discipline reste originale et efficace dans l'évaluation de la fiabilité des données mais elle doit reformuler son champ d'application au 21e siècle, moderniser son vocabulaire au sein des SHS, et multiplier les expérimentations.
Les technologies du Web sémantique pour la valorisation du patrimoine industriel textile en mouvement dans les Hauts-de-France
par Éric KERGOSIEN (Maître de conférences, Université de Lille)
Une question sociale importante dans le domaine du patrimoine culturel est liée à la collecte, l'analyse, la publication et la mise en valeur de la mémoire des acteurs du domaine. La formalisation de l'information sur le patrimoine culturel constitue un véritable défi. La plupart des tentatives de résolution des problèmes d'interopérabilité sémantique se concentrent sur la standardisation et le développement de structures communes telles que FRBR, FRBRoo, CIDOC CRM, etc. Parmi ces modèles, le CIDOC est une référence conceptuelle, modèle spécialement conçu pour la modélisation du patrimoine culturel. Ce modèle offre en effet un schéma commun de métadonnées rendant les concepts compréhensibles et interopérables.
Afin d'aider les experts du domaine à produire et fournir des contenus numériques, nous adoptons une méthodologie en trois étapes : nous recueillons et formalisons l'historique par le biais d'entretiens avec les acteurs du domaine ; notre système opère l'identification et l'extraction d'informations à partir de milliers de documents textuels hétérogènes collectés auprès de ces acteurs ; enfin, nous présentons une première version de l'ontologie construite automatiquement au format OWL en utilisant le modèle CIDOC CRM comme base conceptuelle, pour fusionner toutes les informations extraites. Les expériences sont menées sur un corpus relatif au patrimoine industriel textile collecté grâce au projet DENIM.
Organisation :
Maison Européenne des Sciences de l'Homme et de la Société (MESHS)
Cette manifestation est soutenue par l'Etat et le Conseil Régional Hauts-de-France dans le cadre du CPER ISI-MESHS. |
URI/Permalink: